lundi, mai 20, 2024

Les filles, j’ai un truc à vous dire !

Chronique rédigée par Maria Chraïbi
Chronique rédigée par Maria Chraïbi
Journaliste et chroniqueuse.

En zieutant compulsivement les dernières doubles sandales de Jacquemus, j’ai tout de suite repensé à tous ces talons accumulés pour le seul bonheur de… mon dressing. Et à ce lot de questions inutiles, comme si elles étaient chuchotées à l’oreille par toutes mes copines. Faut-il nécessairement porter des talons ou les admirer lentement comme on savoure un Tarantino ? Dans mon placard, mes escarpins m’observent tous les jours comme une armée « on point » mais… au chômage.

Des talons ? C’est assez imposant, plutôt beau à regarder mais inarchivable. Pas de corbeille à l’horizon et quelquefois, du « copier-coller » à l’infini. Je repense à notre fashionista aux yeux de biche qui déambule dans les bureaux en Nike et donne des cours de « Danse de Talons » à ses heures perdues : Sonia pourrait même surfer sur ses heels alors que je patauge encore pour faire le tri entre les classiques, les peep-toe, les ankle strap et autres cut-out. Sans oublier les plateformes et autres embellished qui brillent comme le lustre du salon marocain. Je sais bien que ce n’est pas une excuse pour des pointures comme vous. Ha ! Si seulement, je savais jongler entre les courses, les meetings et les sorties d’écoles en sublimes sandales vertigineuses, comme je pianote sur mon smartphone, avec le brushing parfait et le mollet galbé en toutes circonstances comme dans les pubs de parfums des années 80, je pense que Monsieur Louboutin aurait déjà lancé les « Talons Aiguilles Awards. » J’aurais même présenté le concept avec cette phrase cruellement banale mais tellement vraie : « Le talent, c’est d’avoir des talons. » De toute façon, ma Dada de 90 ans m’a toujours répété qu’avec ou sans mes fameux talons métalliques, mon chemin serait toujours le même. On ne plaisante pas avec le destin ! J’ai véritablement compris la leçon mardi dernier, lorsque mon genou gauche ensanglanté était aussi rouge que les semelles de mes escarpins. Un rouge du plus bel effet : tragiquement subtil.

Se coincer le talon en cuir d’agneau – dans une bouche d’égout ou le voir se déchiqueter lentement entre deux trottoirs cabossés, vous imaginez ? C’est à la fois la revanche rêvée de toutes les associations Végan et le scénario idéal d’un court métrage. Pour les femmes fatales et les fétichistes, un petit drame. D’abord, parce que le génial Louboutin ne porte généralement que des Converse ou des Stan Smith toute l’année. Et que, dans cette marche quotidienne où chaque pas est une affirmation, une minuscule revendication extérieure prête à venger le silence de toutes les femmes à travers les décennies, le talon est peut-être finalement, bien plus qu’un accessoire de mode ou de séduction massive. Porter des talons et marcher la tête haute, c’est une déclaration, un cri poussé vers le ciel avec cette montée d’adrénaline, cette minute de gloire que seule la hauteur peut nous procurer. Se tenir épaule contre épaule pour séduire ou avoir… le regard au même niveau que le DRH pour lui rappeler qu’il a évidemment oublié votre prime annuelle, voilà le vrai pouvoir des talons. Naviguer dans ce monde avec des échasses modernes sans la grâce innée du flamant rose, c’est plutôt osé. Et c’est sans compter sur la sagesse transmise à travers les générations sur laquelle je trébuche fréquemment : « Le vrai pouvoir ne vient pas de ce que l’on porte, mais de ce que l’on porte en soi. » Alors, je vais essayer de reconquérir un peu plus de l’espace public, un pas vertigineux à la fois. Mais… cette fois sans talons.

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